On connaît la phrase d’Henri de Montherlant : Aucun sport n’exige une telle économie de mouvement, une telle synergie fonctionnelle, que la boxe.
Le terme synergie renvoie l’idée que plusieurs processus opèrent en même temps et se coordonnent pour aboutir à un résultat unique. Donner un coup de pied circulaire retourné sauté figure est d’une telle complexité que si le cerveau devait calculer le mouvement de tous les muscles mis en jeu par ce coup (c’est-à-dire à peu près tous...), l’éternité n’y suffirait pas... De plus, le boxeur souhaite que ce mouvement se fasse le plus vite possible, plus vite encore que le simple mouvement consistant à déplier sa jambe en avant. Comment le cerveau parvient-il à accomplir ce miracle ? On ne le sait pas vraiment.
On sait assez bien comment le système nerveux traite les réflexes simples (Voir cet article). Mais quand une multitude de réflexes sont mis en jeu, le mouvement réflexe de certains muscles entraînant le mouvement réflexe d’autres muscles, on en arrive à supposer que le cerveau traite le muscle non pas individuellement mais par groupe, sur la base d’une synergie. Ces multiples synergies sont elles-mêmes traitées par groupes et donnent naissance à une nouvelle synergie, et ainsi de suite, pour créer des synergies par grandes catégories de mouvements : marcher, courir, nager, frapper, lancer, etc...
Si un individu est amené à pratiquer souvent un même geste, le cerveau enregistre une nouvelle synergie, coordonnant des synergies de base qu’il possédait déjà en mémoire. Plus le mouvement est répété, plus le cerveau intègre cette nouvelle synergie, qu’il peut ainsi mettre en jeu à tout instant, quand le boxeur le souhaite, sans avoir à refaire tous les calculs.
On ne peut donc pas tout à fait assimiler une synergie à un réflexe. Il suffit d’observer le corps humain pour comprendre que les muscles sont regroupés par ensembles permettant d’effectuer des mouvements de base (des plus simples aux plus compliqués). Sur cette base, le cerveau fait face à la nouveauté, aux circonstances, en créant des programmes. Plus ces programmes sont testés, perfectionnés, apurés (c’est le rôle de l’entraînement), plus le cerveau peut, au moment du combat, « jouer avec » en inventant de nouvelles combinaisons, des variantes, des « surprises ». Toute sa créativité peut s’exprimer à partir du moment où il n’a plus à faire des calculs à chaque geste. Le corps humain n’est pas une machine, c’est un outil qui sert à l’être humain à concrétiser des intentions. Le corps humain est une idée en mouvement. La boxe le traduit parfaitement.