Si les aspects physiques occupent en boxe pieds-poings une place très importante, le mental joue un rôle considérable, surtout lorsque les compétiteurs atteignent un niveau où les capacités physiques des deux adversaires sont exploitées à plein et au même degré. C’est souvent le mental qui fera la différence.
Qu’est-ce que le mental ?
Le mental est une « substance » qui produit des phénomènes non matériels tels que les pensées, les rêves, les imaginations, l’art, les souvenirs, les croyances, la morale, les espoirs, etc...
On considère généralement que le mental a une relation très étroite avec le cerveau et notamment sa couche supérieur, le cortex (Voir Système nerveux). Cependant, nous sommes sans doute condamnés à ne jamais savoir si la pensée est le produit du cerveau ou si le cerveau traduit chimiquement et électriquement une pensée qui serait élaborée hors de lui.
Le psychisme humain recouvre deux grands domaines : la conscience et l’inconscient. Entre les deux se situe une zone intermédiaire, la pré-conscience, où les éléments sont « hors de notre vue immédiate » mais facilement accessibles. C’est dans cette zone que se situent les perceptions subliminaires (Voir cet article).
L’inconscient est un vaste domaine qui regroupe, par différence, tout ce qui n’est pas accessible à notre conscience. C’est le siège des schémas qui règlent la pensée humaine, de la majorité de nos souvenirs, de tous les aspects de nous-mêmes que nous ignorons ou voulons ignorer. L’inconscient s’exprime par les rêves et, spontanément, à notre insu, par des lapsus, des actes manqués, des attitudes non maîtrisées, etc...
L’inconscient a un rôle de compensation. Si le Moi conscient penche trop dans un sens, l’inconscient pousse par tous les moyens dans le sens contraire pour rétablir l’équilibre.
Au-delà de ce rôle presque mécanique, l’inconscient semble avoir sur nous-même et sur notre destinée quelque idée. Aussi lui arrive-t-il de provoquer des illuminations, des rencontres, des « hasards » heureux ou malheureux qui poussent l’individu à sa propre réalisation. Des conflits naissent lorsque les intentions de l’inconscient sont en opposition avec la volonté du Moi conscient.
Pour s’orienter dans le réel, le psychisme s’appuie sur quatre fonctions : la pensée (l’analyse), la sensation (perception des choses), l’intuition (connaissance immédiate des choses) et le sentiment (non pas l’affectif mais l’appréciation de la valeur des choses). En effet, chaque fois que l’individu est confronté à un événement (qu’il s’agisse d’un événement intérieur ou extérieur), le psychisme se pose quatre questions :
Y a-t-il bien un événement ? (sensation),
De quoi s’agit-il ? (pensée),
Quelle est la valeur de cet événement ? Est-ce digne d’intérêt, important, dangereux, etc...? (sentiment),
D’où vient cet événement et quel est son avenir (intuition).
À chaque fois qu’un pratiquant esquisse le moindre geste, l’adversaire doit impérativement répondre à ces quatre questions.
Chaque individu donne plus d’importance à l’une de ces fonctions sur les autres. On définit ainsi quatre types d’individus selon la fonction qui domine chez eux (sensation, pensée, sentiment ou intuition).
Mais cette typologie s’inscrit dans une subdivision plus générale des individus entre extravertis et introvertis. Les premiers (les extravertis) sont plutôt tournés vers la réalité extérieure et accordent une grande importance à l’action et à la relation humaine, les seconds (les introvertis) sont tournés vers la réalité intérieure et accordent une grande importance à l’univers mental. Les sportifs, dans leur très grande majorité, sont des extravertis. Mais on aurait tort de confondre introvertis et "complexés". L’existence de ces deux types psychologiques viendrait de ce que les introvertis ont en abondance dans le cerveau une substance qui manque chez les extravertis et les poussent à rechercher des sensations extérieures pour élever le taux de cette substance.
Le mental et le physique
On ignore par quel procédé le monde physique a pu donner naissance au phénomène de l’esprit. Celui-ci semble avoir ses propres règles (par exemple la capacité à évoluer hors du temps et hors de l’espace, hors même de la réalité), mais à mesure que les physiciens percent les secrets de la matière dans ses profondeurs les plus intimes, on s’aperçoit que la correspondance entre corps et esprit est plus grande qu’il n’y paraît.
Ainsi, on ne sait pas comment les particules qui se forment dans le champ énergétique unique s’associent pour former l’univers tel que nous le percevons. Or nous ne pouvons pas savoir comment est réellement le monde, en lui-même, en dehors de la vision que nous en avons (par exemple, nous savons que les objets n’ont pas de couleurs en eux-mêmes, c’est le cerveau qui les compose). Il existe donc peut-être un lien très étroit entre la façon dont les particules s’organisent pour former la base de la matière et les processus qui règlent notre pensée.
En tout cas, les Orientaux ont très tôt mis en évidence l’étroite union du corps et de l’esprit (Voir Arts martiaux). Ces deux principes seraient en fait deux manifestations opposées d’un même principe caché. On sait que l’univers repose sur le principe de la séparation en paires d’opposés d’un élément unique initial (Voir Opposés).
Les maladies dites « somatiques » (du latin soma, le corps), c’est-à-dire ces maladies qui semblent déclenchées par des facteurs psychologiques, montrent à quel point le corps et l’esprit expriment en permanence, chacun à leur manière, l’individu qui les vit.
Lorsqu’il est jeune et qu’il commence sa pratique, le boxeur peut s’appuyer presque entièrement sur le physique et confier à l’énergie de sa jeunesse le soin de lui assurer un mental de vainqueur. Mais, dès l’âge de vingt ans, le physique commence à ne plus répondre tout à fait comme on le voudrait. Les éléments psychologiques commencent alors à prendre de l’importance.
Le physique et le mental fonctionnent pour ainsi dire comme des vases communicants. Arrivé à un certain niveau, et à un certain âge, le physique semble atteindre une limite. C’est alors que le travail sur le mental devient très important. Parfois, les motivations anciennes ne fonctionnent plus. Il faut trouver de nouvelles raisons de monter sur le ring et de gagner. Le compétiteur qui a vécu sur une certaine lancée qui l’a menée au plus haut niveau peut avoir intérêt à marquer une pause, à régler quelques aspects psychologiques pour se donner un nouvel élan. Alors, il arrive que le corps lui-même franchisse un palier et révèlent de nouvelles potentialités.
Qu’est-ce qu’un bon mental ?
Difficile question, dont la réponse est très variable selon les individus. La difficulté vient de ce que l’esprit tel que l’homme le connaît est d’une apparition récente dans l’évolution des espèces. Au contraire, les phénomènes physiques sont rodés depuis des milliards d’années à travers toutes les espèces qui nous ont précédé. Ils sont d’une remarquable efficacité et un entraîneur peut, assez objectivement, faire un diagnostic physique du champion à la veille d’une compétition. Nous savons ce qu’il faut faire pour être en forme physiquement, et les dysfonctionnements sont facilement décelables.
Dans le domaine de l’esprit, c’est autre chose ! De même que le corps comporte des mécanismes qui le guérissent dès que la maladie l’atteint, afin de retrouver l’état de santé, de même, l’esprit possède ses propres mécanismes pour rétablir la santé mentale dès qu’une agression la dérègle. Malheureusement, l’être humain est exposé dans sa vie quotidienne à toutes sortes de situations que la nature n’a pas forcément prévues, et qui sont provoquées par les hommes eux-mêmes (leur mentalité, l’état de la société). Autant dire que, dans la plupart des cas, nous ne pouvons pas laisser la nature seule agir pour retrouver la santé mentale, comme on appliquerait les recettes connues de la santé physique.
Bien sûr, c’est notre dignité d’être humain que d’être obligés, par nous-mêmes, de découvrir les moyens de rétablir la santé mentale quand elle s’est enfuie. Puisque l’on a le pouvoir de modifier profondément la nature, nous devons assumer la responsabilité des dérèglements psychiques ou physiques que nous provoquons (pollutions ou stress de la vie moderne).
Cependant, le champion est un homme pressé et pratique. Il doit acquérir très vite un bon mental avant la compétition.
Face à l’urgence, la première règle est de se débarrasser de tous les soucis artificiels créés par les hommes et de se rapprocher le plus possible d’une vie naturelle. Par ce moyen, la nature peut alors rectifier les dysfonctionnements qui sont de son domaine.
Mais la règle essentielle est d’amener le boxeur à considérer que le combat qu’il va mener s’inscrit dans l’accomplissement de son individualité. C’est-à-dire qu’il va au combat pour accomplir ce qui doit être accompli, pour lui-même, et pour aucune autre raison (Voir Motivation). L’argent, la reconnaissance, etc... peuvent être des ressorts puissants, mais le ressort n’est pas le but.
Le bon mental réside sans doute dans une humilité acharnée face à l’accomplissement d’un exploit à la fois glorieux et sans importance.
On prétend parfois qu’il faut "positiver" pour avoir un bon mental, et il existe une abondante littérature de "développement personnel" basée sur l’esprit positif. Mais d’autres chercheurs, se référant aux principes de compensation (voir plus haut) pensent que trop de positivité finit par attirer la négativité.