L’une des raisons qui pousseraient certains à pratiquer la boxe serait, selon eux, le besoin d’évacuer une rage intérieure. Qu’est-ce que la rage ? Quelle est son origine ? La rage semble en fait de l’agressivité à laquelle on donne une justification morale. La rage serait une réponse, une réaction à une situation sociale ou familiale. C’est ce qui est le plus souvent mis en avant par les intéressés, lesquels se déclarent calmés après une séance d’entraînement. Certains placent dans la boxe leur espoir de trouver une alternative positive à une explosion intérieure qui, sinon, serait dirigée contre la société et les individus qui la composent dans le voisinage immédiat. Ce qui laisse supposer qu’il n’existerait aucun moyen de contrôler cette rage et que la seule solution serait de la laisser s’exprimer, de préférence dans le cadre d’une activité basée sur le martèlement, comme la boxe, ou des équivalents basés eux aussi sur les mouvements rythmés et le martèlement : la danse ou la musique, selon le goût des individus.
La rage apparaît comme une sorte de monstre (de dragon ?), tapi dans les profondeurs de l’Etre, qui décharge toute sa fureur à la moindre occasion. En dehors de ces phases très actives, le « monstre » continue malgré tout à agir, sourdement, poussant celui qui en est victime, dans le meilleur des cas, vers la salle d’entraînement.
La frontière entre rage, violence, agressivité, « trop plein » d’énergie, etc... est très floue. Le plus surprenant est que des individus non agressifs déclarent ressentir aussi cette rage. Elle semble la marque d’un malaise, d’un mal d’être, d’un conflit intérieur, d’une tension.Le « mal invisible » qui conduit certains jeunes à des explosions de violence est-il seulement dû aux difficultés de leur vie quotidienne ou est-il l’expression d’un malaise généralisé, lié à la mutation de la société industrielle et à la quasi absence de sacré dans notre société ? Un malaise qui toucherait en fait l’ensemble du corps social mais que certains jeunes, fragilisés par leur contexte socio-familial, exprimeraient concrètement et violemment à la place de ceux qui, en l’ignorant par des astuces diverses, croient l’avoir vaincu alors qu’ils n’ont fait que le déplacer vers d’autres individus.
Ce mal bouillonne dans les profondeurs de l’inconscient collectif, comme l’énergie au cœur de la terre, et les jeunes des cités - ceux qui parlent de leur rage - ne sont que les volcans par lesquels ce bouillonnement cherche à s’évacuer vers l’air libre. Autrement dit, nous avons une responsabilité collective dans la rage qui les habite.