La boxe aime les voyages ; elle accompagne les migrants dans leurs déplacements. Au XIXème siècle, la boxe anglaise quitte l’Europe dans les cales des bateaux et part à la conquête de l’Amérique.
Plus tard, c’est le mouvement inverse qui se produit : « Dans les premières années du siècle, note Claude Meunier dans "Ring Noir" [1], l’Amérique déclenche une campagne d’un racisme inouï contre l’ascension des boxeurs noirs. Jack Johnson, le plus grand champion noir de tous les temps, et ses compagnons de combat doivent s’exiler en France ».
Aujourd’hui, les migrants asiatiques débarquent dans les « Chinatowns » du monde entier avec leur Muay Thaï.
La boxe est un sport qui bouge beaucoup, avec les gens qu’elle attire, justement des voyageurs, des errants dans leur tête, qu’ils soient immigrés ou non. Le guerrier a son toit partout où il y a un ring. D’ailleurs, quand son foyer commence à s’installer, il s’éloigne des cordes...
Les jeunes des cités ont fait de la boxe pieds-poings leur sport, leur « truc à eux ». Cela vient d’ailleurs, comme eux. Alors que l’on assiste à une féminisation de nos sociétés occidentales, les jeunes des cités, le plus souvent issus de l’immigration, restent très attachés à une éthique virile qui les pousse à adopter certaines pratiques sportives, comme la boxe ou le body-building, et à cantonner la femme dans un rôle mineur.
La plupart se défendent d’être des machos et prétendent que leur comportement est très différent selon qu’ils évoluent dans une cité ou à l’extérieur. Se montrer "viril", c’est-à-dire dangereux, serait selon eux une condition pour survivre dans un milieu hostile. Entre les barres de HLM, la politesse, la civilité, la courtoisie ou la galanterie sont des marques de faiblesse qui font de celui qui les adopte une proie pour les prédateurs locaux, qu’on soit garçon ou fille, d’ailleurs.
De fait, la boxe est très marquée sociologiquement. Elle semble requérir des qualités qui n’appartiennent qu’à certains milieux. Elle est aussi un mode d’expression personnel qui s’affranchit de la parole, laquelle est souvent mal maîtrisée dans les milieux populaires surtout d’origine étrangère.
La boxe est tellement liée à l’immigration, notamment maghrébine, que lors de certains galas, on ne trouve ni jambon ni saucisson dans les sandwichs vendus à la buvette.
Par ailleurs, de nombreux pratiquants arborent très souvent sur le ring le drapeau du pays d’origine de leur famille : Algérie, Maroc, Tunisie...