On utilise depuis longtemps cette expression pour désigner la boxe anglaise (on a aussi parlé d’escrime des poings). La noblesse de la boxe viendrait de ce qu’elle exige des qualités (combativité, courage, ruse, sens tactique, sens de l’honneur), qui sont traditionnellement attribuées aux nobles. Les boxeurs seraient les « petits soldats » de ce qu’on appelle « la noblesse d’épée », laquelle pratiquait « l’art de la guerre » en envoyant les autres au combat, se réservant la définition des stratégies et des tactiques.
Cette très ancienne attitude a fait que l’aristocratie s’est très tôt intéressée à la boxe anglaise. Les nobles se combattaient par boxeurs interposés. Ils les entraînaient, les conseillaient, les entretenaient, comme des chefs de guerre - guerre de salon et d’arrière-salle, en l’occurrence.
Aujourd’hui encore, le boxeur continue d’être l’instrument de l’ambition qui anime certains acteurs (Voir cet article) de la vie sociale.
Les arts martiaux échappent à cette tentation dans la mesure où la Tradition interdit qu’ils soient pratiqués dans un esprit de compétition. L’adepte ne peut ainsi être exploité comme instrument de la bataille sociale que mène un autre individu.
On utilise peu l’expression de « noble art » à propos de la boxe pieds-poings. Mais cela peut arriver si, se détachant de la tradition asiatique des arts martiaux, la boxe pieds-poings se laissait attirer par la boxe anglaise.
La boxe pieds-poings : noble art ou sport de ghetto ?
On dit souvent que la boxe pieds-poings est un sport de ghetto qui doit son succès à la possibilité qu’il offre de libérer sa rage ou, pour certains jeunes, d’accéder à la notoriété. Tout cela n’est sans doute pas faux. Il est vrai que la boxe a toujours été très marquée socialement. Mais il est un peu court de dire que c’est un sport de banlieue. Le combat d’homme à homme n’est pas l’exclusivité des voyous ! Le Cardinal de Richelieu avait interdit les duels car ils commençaient à tuer trop de nobles ! Pour un oui ou pour un non, les aristocrates se donnaient rendez-vous pour se trucider, comme aujourd’hui, au moindre prétexte, la bande d’une cité va défier la bande de la cité voisine. Ce n’est pas pour rien que le film West Side Story a pu si facilement transposer dans le milieu des bandes new-yorkaises l’affrontement imaginé par Shakespeare entre les nobles Montagus et Capulets.
Voyous et aristocrates ont toujours eu des affinités, parce qu’ils incarnent les mêmes valeurs de courage, d’honneur et de panache. Aujourd’hui, les valeurs de la noblesse ont été supplantées par celles de la bourgeoisie moyenne et, du coup, le « voyou » se retrouve un peu seul, avec son courage et son sens de l’honneur sur les bras. Il apparaît un peu préhistorique dans un monde marqué par le consensus et la soif de sécurité (Voir Guerrier).
Mais il serait faux de croire qu’il suffit d’être né dans une cité pour monter sans problème sur un ring et affronter l’autre directement, à armes égales. Le bagarreur de cité ira d’ailleurs plus volontiers défier un plus faible que lui, et si possible à dix contre un ! En fait, en côtoyant les boxeurs, on se rend vite compte que qu’ils constituent en fait une « espèce » d’individus à part, qu’on trouve en réalité dans toutes les couches de la population. Simplement, des conditions d’existence très dures les préparent mieux que d’autres à encaisser les coups (ils en ont vu d’autres !) ou à aller directement face à l’autre (la rue confronte en permanence à l’autre).
C’est pourquoi la boxe n’est pas un sport de ghetto. On trouve des boxeurs partout, mais seuls quelques-uns montent sur les rings...