Le sport, en principe, n’est pas un spectacle, en ce sens que les sportifs n’ont pas pour unique raison d’être et pour unique motivation, à la différence des artistes, de présenter leur travail et leur talent à un public. Le sport a sa logique propre, de compétition et d’effort personnel, qui ne rend pas les spectateurs indispensables à l’accomplissement de l’acte sportif. Tous les dimanches dans toute la France, il se déroule des quantités de compétitions sportives qui n’attirent que quelques pelés et quelques tondus - tous gelés sur les gradins le plus souvent.
Cependant, le sport, à défaut de public, s’accommode très bien de témoins venant assister à une confrontation qui leur est en quelque sorte extérieure. C’est le public du tennis d’autrefois, qui se contentait de tourner la tête à droite et à gauche et d’applaudir poliment à la fin des plus brillants échanges, en évitant de déranger les sportifs.
Mais le sport, en attisant les oppositions, crée une sorte de public particulier qu’on appelle les Supporters (Voir cet article). Ces individus ont deux caractéristiques essentielles : ils sont surexcités et de parti pris. Ils sont venus pour soutenir ceux (ou celui) de leur camp et ils pensent (parfois à juste titre) qu’ils sont davantage que des spectateurs ordinaires dans la mesure où leur présence voyante et bruyante serait, selon eux, de nature à influer sur l’issue de la compétition.
Plus la compétition devient importante, plus le nombre des « pelés » et des « tondus » augmente, transformant le sport en spectacle. A la nécessité d’accomplir son exploit, le sportif est contraint d’ajouter celle de ne pas décevoir son public. Il ne se perçoit plus seulement comme héros livrant un combat contre lui-même mais comme un artiste, sensible aussi bien au résultat qu’à l’esthétique de sa prestation. Il reste cependant encore un sportif, comme peut se prévaloir de l’être l’équilibriste ou le trapéziste de cirque, qui s’astreint, lui aussi, à un terrible entraînement pour améliorer ses performances, mais il devient surtout un prestataire, dont l’apparition publique s’appuie simplement sur une dramaturgie inspirée du sport.
Tous les sports populaires sont devenus aujourd’hui des spectacles. Il n’existe dès lors plus de différence entre eux et la boxe qui, elle, a connu le chemin inverse : spectacle à l’origine, elle est devenue progressivement un sport. Le public de Roland-Garros, aujourd’hui, ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de la boxe...
Tout ceci ne ferait de mal à personne si le spectacle n’avait sa loi propre, qui n’est pas compatible avec celle du sport. Par principe, l’obsession du spectacle est d’attirer le public. Il faut donc élever les passions et surtout plaire. Plaire surtout à ceux qui financent ledit spectacle, les sponsors (Voir cet article). Car l’essentiel ne se joue pas sur le terrain, comme pourrait le croire un public naïf, mais à la caisse des supérettes le lendemain. D’où l’irrésistible tentation (à laquelle on se demande qui résiste !) d’organiser la confrontation comme n’importe quel metteur en scène avisé... et d’inciter les "acteurs" à recourir, comme n’importe quel artiste, à des "aides" pour faire bonne figure et longue carrière.
De plus, pour attirer le public, les organisateurs ont tendance à mettre en jeu le plus possible de titres internationaux : européens ou même mondiaux.
On constate aussi une débauche d’effets lumineux, de pyrotechnie, avec majorettes court vêtues et musique apocalyptique. Un simple combat est transformé en affrontement galactique. Pourquoi pas ? Encore faut-il que le combat en question soit à la hauteur de l‘effet d’annonce. Or souvent l’entrée tonitruante fait « pschitt » après le premier coup de gong.