Qui sont, au fond, les boxeurs ?
Certains verront en eux des brutes sauvages se vautrant dans la violence avec délice. En fait, les boxeurs sont des enfants qui prolongent bien au-delà de l’âge raisonnable le plaisir de "jouer sérieusement". Leur jeu est certes cruel, mais ils l’abordent avec une innocence semblable à celle de certains enfants menant des expériences cruelles sur des petits animaux. Rarement la haine de l’adversaire les anime. D’ailleurs, ils se jettent dans les bras l’un de l’autre à la fin de l’affrontement et s’embrassent parfois joyeusement. Ils se sont bien amusés. Ils se sont donnés à fond. À aucun moment ils n’ont perçu les attaques contre l’autre comme un acte violent. Le geste est cruel mais l’intention ne l’est pas.
Le boxeur a ce qu’on appelle « une âme d’enfant ». Il est d’ailleurs souvent naïf, se laisse manipuler par ceux qui l’entourent. Son sport l’isole du monde, de la réalité, qu’il n’apprécie guère. Il préfère la salle d’entraînement et le ring. Si sa reconversion est si difficile, c’est qu’il redoute le passage à l’âge adulte et voudrait éternellement prolonger l’enfance.
Il souffre tellement, dans son cœur et dans son âme, de blessures à jamais secrètes et souvent - hélas - précoces, que la souffrance physique est peu de chose pour lui ; mieux même, elle lui fait oublier ses souffrances morales contre lesquelles il ne connaît pas le remède.